Le rôle des talents dans les stratégies RSE des acteurs du sport en 2023

démarche RSE

L'étude à lire pour comprendre la place que les organisations du monde du sport doivent donner à la RSE en 2023 pour attirer et conserver leurs talents !

Souvent mise au centre de l’attention et particulièrement médiatisée, l’industrie du sport doit elle aussi jouer un rôle majeur dans l’évolution des pratiques en matière de Responsabilité Sociétale des Entreprises. Comme souvent, elle peut d’ailleurs en être un fier fer de lance, en inspirant des générations comme le sport sait si bien le faire. 

Pour cela, notre industrie a besoin de talents, d’expertes et experts des sujets RSE. Autant pour répondre aux attentes des fans, des pratiquants et des consommateurs que pour continuer à attirer les talents qu’elle mérite. A l’heure de l’expérience collaborateur et de la marque employeur, il n’est plus possible de se passer d’une véritable démarche RSE lorsqu’on veut être une organisation responsable.

Mais comment trouver et/ou former ces talents ? Qui sont-ils et quels sont leurs objectifs ?

C’est avec ces questions en tête que nous sommes partis à la rencontre de véritables expertes et experts pour comprendre quelle stratégie RSE les organisations du monde du sport doivent mettre en place pour répondre aux attentes des talents en 2023.

Un grand merci donc à :

  • Xavier Parenteau, Co-fondateur d’Ipama
  • Delphine Benoit, Consultante en stratégie et opérations RSE
  • Nicolas Vergne, Porte parole & Responsable développement chez Jobsthatmakesense
  • François Singer, Consultant Senior en stratégie d'impact & RSE
  • Delphine Goudchaux, Experte Partenariat, Sponsoring, Mécénat - Stratégie & Développement

pour votre regard pertinent et engagé sur les enjeux et défis de notre industrie ! Et à Anaëlle pour la rédaction de cette nouvelle étude by BOOST !

Et en bonus en fin d’article, les conseils de nos invité.e.s sur l’impact RSE que l’on peut toutes et tous avoir au sein de notre organisation.

Prêt·e ? C’est parti !

Sport & RSE, un lien qui semble naturel mais reste mince

La RSE est un concept riche et multiple qui peut sembler difficile à comprendre, d’autant plus que personne ne s’accorde sur une même définition. Nous avons donc commencé par poser la question à nos experts : "Qu’est-ce que la RSE ?".

1er enseignement, les réponses ont montré que c'est avant tout une  prise de conscience, “l’entreprise doit se rendre compte qu’elle a un impact sur son environnement (social, écologique…) et pas uniquement financier”; accompagnée d’un engagement : celui de “mettre l’organisation au niveau de ses responsabilités". 

Dans le cas particulier du sport, la relation avec la RSE peut sembler naturelle, notamment à travers tous les attributs “socialisants et bienfaiteurs” auxquels le sport est spontanément associé. Malheureusement, cette association de valeurs reste encore trop souvent théorique. Le régime juridique du sport basé sur le modèle associatif a en effet entravé le développement de la mise en place de véritables démarches RSE. De nombreuses organisations du monde du sport sont ainsi encore loin d’avoir pleinement intégré les démarches RSE dans leurs ambitions de développement.

Pourquoi voit-on encore si peu de véritables stratégies RSE dans le monde du sport en 2023 ?

Aujourd’hui, avoir une vraie démarche RSE pour une organisation, c’est accepter de s’inscrire dans un temps long. Un défi qui impose de changer les habitudes de travail et de pensée induites depuis des années et qui ne pourront donc logiquement pas changer du jour au lendemain.

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C’est l’une des principales causes de la difficulté du monde du sport qui est très tourné vers l’événementiel, le “court-terme” et doit avancer rapidement. Créant ainsi des frictions avec les idéaux de la RSE, qui cherchent à promouvoir des changements à long terme. L’urgence, notamment écologique, de la situation actuelle rend cette relation au temps particulièrement délicate et fait se confronter 2 dynamiques grandement opposées qui viennent ralentir, voire stopper, leur progression : 

  • D’un côté, des engagements RSE qui nécessitent de s’inscrire dans la durée
  • De l’autre, des enjeux sportifs souvent très court-termistes

Ce décalage crée un véritable challenge pour créer et implanter durablement des métiers RSE dans le monde du sport. Un décalage particulièrement visible dans la stratégie de certains ayants-droits et organisateurs d’évènements qui prônent une démarche RSE forte tout en acceptant le soutien financier de groupes dont l’engagement RSE fait débat. Sans parler des croyances limitantes, voire de l’absence totale de conviction, de certains dirigeants sur le sujet.

On retrouve ce même écart dans le poids consacré au domaine sportif. Dans certains sports, la masse salariale des joueurs est telle qu’il suffirait d’en dédier une infime partie à des politiques RSE fortes pour produire des effets visibles. Ici, c’est le modèle de gouvernance et d’organisation du monde du sport qui est en cause. Les investissements sportifs sont d’une part largement plus médiatisés et attendus et d’autre part présentés comme des solutions court-terme, dont le club, la ligue, la fédération ou tout autre organisme sera le 1er (et parfois seul) bénéficiaire. Là où des investissements RSE seront nécessairement considérés comme étant moins impactants et sans retour direct sur investissement.

En résumé, aujourd’hui sport et RSE ne font pas nécessairement bon ménage, principalement pour 3 raisons : 

  • Un rapport au temps radicalement différemment
  • Un manque de vision / conviction des dirigeants
  • La difficulté de voir le ROI direct d’actions RSE, contrairement à celui des investissements sportifs

La question n’est pas de savoir si le monde du sport doit prendre des engagements RSE forts, mais quand le fera-t-il ?

S’adapter, ou disparaître. C’est le dilemme auquel le sport d’aujourd’hui (et toutes les organisations qui le composent) est confronté.
Avec le réchauffement climatique, la pratique même de certains sports est menacée, des matchs, compétitions ou tournois sont de plus en plus régulièrement annulés. D’autres, nécessitent des non-sens environnementaux pour être maintenus dans de bonnes conditions pour les athlètes. On le voit par exemple avec les sports d’hiver, de plus en plus remis en cause. Ou encore avec les Jeux Olympiques de Paris 2024 qui se posent la question quant à la (non) climatisation du Village olympique et leur possible répercussion sportive. En bref, c’est la pratique du sport et son modèle organisationnel actuel qui sont menacés. Il n’y a donc aucun doute : le monde du sport doit s’adapter, sous peine de disparaître.

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Aujourd’hui, une organisation de l’industrie du sport qui ne s’adapte pas, est une entreprise qui ne survivra probablement pas. La question n’est plus de savoir si les organisations ont envie de prendre part à ce changement mais plutôt de comprendre quel est leur niveau de maturité sur le sujet. 

A ce sujet, nos invité.e.s sont assez unanimes. Pour Xavier Parenteau, celui qui ne fait pas, prend un risque. Ce n’est pas parce qu’on fait qu’on gagne, mais on peut perdre si on ne fait pas”.

Avec en toile de fond deux réalités qui sont tout sauf des arguments en faveurs de stratégies RSE plus fortes :

  • Le retour financier court terme des engagements RSE est plus qu’incertain
  • Sans l’engagement de l’ensemble des organisations du monde du sport pour faire évoluer le modèle actuel, l’effet attendu ne sera pas au rendez-vous

Parmi les motifs d’espoir, on peut néanmoins compter sur une prise en compte de plus en plus importante des fans et pratiquants de sport. Les levées de boucliers contre certains partenariats et la présence de certains grands acteurs industriels dans un contexte sportif sont de plus en plus fréquentes et les ayants-droits et organisateurs d’évènements les prennent naturellement en compte, soucieux de leur image. Il y a donc ici une logique défensive qui pousse les organisations sportives à ne plus accepter n’importe quel accord commercial.

François Singer va même plus loin et ouvre lui la réflexion sur une logique offensive : “on doit encore jouer le jeu du business, clairement les décisions sont prises sur l’argent. La démarche RSE c’est aussi un levier de croissance, de business pour attirer de nouveaux partenaires”. On voit en effet de nombreux organisateurs être plébiscités et soutenus financièrement par des partenaires privés pour leurs engagements RSE forts. Et c’est une excellente nouvelle : en 2023, avoir une politique RSE engagée peut être générateur de business ! 

Au-delà des effets sur les fans (et des retombées économiques associées), la politique RSE des organisations sportives a également un impact de plus en plus visible sur leur attractivité. De plus en plus de talents (peu importe leur génération) ont des attentes très élevées sur les valeurs et la responsabilité environnementale de leur employeur et jouent donc eux aussi un rôle moteur dans cette transition nécessaire.

Les talents du sport, un véritable catalyseur de changement.

démarches RSE

Les engagements évoluent, et on le voit avec les jeunes générations. Elles attendent des actes, des changements concrets et influent ainsi naturellement sur les stratégies RSE des organisations sportives.

De nombreuses études ont montré qu’en 2023, la plupart des talents (peu importe leur âge)  recherchent 4 éléments importants dans leur travail :

  • Une rémunération en adéquation avec leurs attentes et leur niveau de qualification
  • Un apprentissage continu et une montée en compétences
  • Un cadre de travail positif et épanouissant
  • Et enfin, le sens : l’alignement que leurs missions et le positionnement de l’organisation leur permettent d’avoir avec leurs valeurs.

Cette dernière question du sens est fondamentale car de plus en plus importante dans la prise de décision des talents de rejoindre ou non une organisation, ou d’y rester. En particulier chez les jeunes diplômés âgés de 20 à 35 ans, avec un haut niveau d'éducation. Ces profils sont les plus exigeants en matière de démarches RSE et de diversité. Pour eux, l'alignement avec leurs croyances personnelles est primordial dans leur quête de sens professionnel.

Ils ont développé une certaine forme d’intransigeance envers les organisations sur les sujets de démarches RSE et diversité de manière générale. On le voit dans leur capacité à considérer un emploi comme interchangeable. Pour eux, l’objectif d’une carrière est la quête de sens, donc l’alignement avec les croyances personnelles est particulièrement important. Ainsi, une démission pour désalignement avec les valeurs de l'entreprise ne représente plus un affront comme cela pouvait être le cas auparavant.

Un exemple concret : l’an dernier, Louis, un candidat recruté par nos soins pour un acteur de l’esport a insisté pour intégrer une clause très simple (mais hautement symbolique et engagée) à son contrat : que l’entreprise ne le contraigne jamais à prendre l’avion pour un déplacement professionnel. C’est avec ce genre de comportements qu’on avance. Et c’est en les mettant en avant que les organisations sportives vont prendre conscience de la transition qu’elles doivent opérer si elles veulent rester compétitives sur le marché de l’emploi face à des talents de plus en plus exigeants.

Recruter un ou une Responsable RSE, la clé pour une stratégie RSE réussie et partagée

Pour aider les organisations à surmonter ces difficultés (puisque c’est bien cela l’objectif pour avancer vers un monde plus durable), elles doivent compléter leurs équipes avec un nouveau rôle encore trop peu présent : celui de Responsable RSE. Pour Xavier Parenteau “cette personne est un chef-d’orchestre, il ou elle accompagne l’orchestre mais ne joue pas d’un instrument, il aide simplement à jouer la partition.”

RSE prend du temps

En effet, contrairement à ce qu’on pourrait penser un ou une responsable RSE n’est pas là pour mener seul.e toutes les actions, mais plutôt pour aider à faire évoluer les mentalités et les habitudes de l'organisation ainsi que les contrats liant les organisations à leurs prestataires et partenaires.

Son objectif est d’imprégner au maximum l’organisation afin que chaque strate, chaque équipe et chaque collaborateur puisse être porteur du projet. Dans un 1er temps, recruter un ou une Responsable RSE doit déjà permettre de créer cette prise de conscience et d’identifier des premières étapes concrètes à franchir.

Dans un 2ème temps, la démarche RSE de l’organisation doit se concrétiser dans le quotidien de chaque membre de l’organisation. C’est ce que décrit François Singer :“Il faut intégrer au cœur de la stratégie d’entreprise cette notion d’impact positif. Cela doit irriguer toutes les strates, être incarné et être intégré par toutes et tous”. Pour cela, la dimension RSE doit être effectivement présente dans les missions de chacun et chacune.

Un exemple concret :
Ce n’est pas pour rien que chez Patagonia le rôle de Responsable RSE a été supprimé : cela fait désormais partie des missions de chaque personne dans l’organisation. Une situation rendue possible par le fort niveau de prise de conscience en interne et le fait de mettre les engagements RSE de l’organisation au centre de chaque prise de décision.

La résilience comme principale arme des Responsables RSE dans le sport

“Lorsqu’il s’agit de faire bouger les lignes, il faut savoir passer d'activiste à "advocate" et adopter une stratégie de cheval de Troie pour planter des graines de réflexion à l'intérieur de l'organisation “plutôt que d’y aller en frontal” rappelle François Singer. La personne recrutée devra donc être capable d’adopter la bonne posture, sous peine de se heurter à un mur.

RSE prend du temps

Porter des convictions RSE dans une organisation peut en effet être difficile sur la durée et requiert une patience et une résilience extrêmes. Les rapports de force parfois ubuesques encore en vigueur dans les organisations sportives peuvent mettre cette résilience à rude épreuve, en particulier du fait des écarts très importants entre l’investissement mis dans des athlètes, évènements ou infrastructures en comparaison au budget alloué aux politiques RSE.

Pour changer cela, il est nécessaire de faire évoluer la place de la RSE au sein de l'entreprise en l'intégrant dans la stratégie, dans les budgets et dans la communication. L'idéal étant même de ne plus avoir besoin d'un Responsable RSE, ce qui signifierait que ces thématiques sont suffisamment intégrées en interne et dans la vision de chacun pour perdurer sans tête porteuse. 

4 conseils pour s’engager en tant qu’acteur RSE dans le sport, et ailleurs.

Globalement, nos expert.e.s sont d’accord, le plus important est de réussir à susciter l’action collective avant tout.

Cela passe par différentes actions : 

1️⃣ Eduquer : le travail d’information et de formation fera la différence au sein d’une organisation; 

2️⃣ Accompagner : afin d’assurer une véritable transition et ne pas se contenter de “faire à la place de”;

3️⃣ Rassembler démarches RSE et business : parce que s’engager fortement dans des démarches RSE peut être générateur de business;

4️⃣ Partager des objectifs : une feuille de route claire qui servira de fil conducteur pour ne pas dévier des intentions préalablement établies. Delphine Benoit Mayoux insiste notamment sur ce point car “souvent c’est ce qui manque, une vision établie qui permet de mettre en place un pilotage durable.”

Les 4 points à retenir de cette étude sur le rôle des talents dans les stratégies RSE des acteurs du sport en 2023

Bien que naturellement associé à des thématiques RSE, le monde du sport a encore beaucoup de chemin à faire pour jouer pleinement son rôle de catalyseur de changement de la société. Pour cela, notre industrie doit devenir une vitrine avec des acteurs (privés comme publics) plus engagés, grâce à des stratégies RSE plus concrètes et plus ambitieuses.

Les défis sont nombreux, à commencer par un rapport au temps radicalement différent entre les intérêts économiques du sport et la visibilité du ROI des engagements RSE, l’absence de conviction de certains dirigeants et le poids du sportif dans les investissements des organisations.

Face à ce constat, le monde du sport n’a pas d’autre choix que de s’adapter, à la fois pour préserver sa propre pratique (de nombreux sports sont menacés par les changements climatiques) et aussi pour maintenir son attractivité vis-à-vis de talents de plus en plus exigeants.

Ce sont d’ailleurs ces mêmes talents qui peuvent aider les organisations à changer, si ces dernières acceptent de créer des postes de Responsables RSE. Des rôles destinés  à irriguer les organisations de l’intérieur, pour sensibiliser et former l’ensemble des équipes à l’importance d’une vision RSE commune.

Grâce à ses talents, le monde du sport peu et doit jouer un rôle sociétal majeur. Il ne tient qu’à nous d’y arriver, en remettant l’approche RSE au centre de la stratégie de développement des organisations du sport !